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Friday, November 03, 2006

RFI: voix de la France ou voix de Paul Kagame?



Rwanda : RFI aurait-il balayé les doutes de Pierre Péan?

Mise en cause sur le traitement du conflit par l'écrivain, la radio a mené sa contre-enquête.
Par Christophe AYAD

QUOTIDIEN : vendredi 3 novembre 2006

Il y a un an, Pierre Péan déclenchait un tollé à Radio France Internationale (RFI), aujourd'hui la station lui répond. Dans son livre Noires fureurs, blancs menteurs (1), il mettait gravement en cause quatre de ses journalistes et, plus généralement, la réputation de la station publique en l'accusant d'avoir été, avant et pendant le génocide de 1994 au Rwanda, la «voix de Kagame», l'actuel président rwandais. Le volumineux ouvrage de Péan vise à démontrer qu'il n'y a pas eu de génocide des Tutsis au printemps 1994 et que les «massacres» qui ont eu lieu ont été sciemment provoqués par Paul Kagame, à l'époque chef du Front patriotique rwandais (FPR), la guérilla d'obédience tutsie. A l'évidence pour Péan, RFI, financée par le contribuable français, n'aurait jamais dû être que la «voix de la France», comme il le suggère dans l'intitulé du court chapitre qu'il consacre à la radio (2).

Blessures. A sa sortie, l'ouvrage de Péan avait ravivé des blessures mal refermées : la couverture du génocide au Rwanda et de ses suites avait occasionné, dans la rédaction de RFI comme dans d'autres, des divisions importantes. La direction, sommée de réagir par la Société des journalistes, avait décidé de commanditer un audit sur la couverture du Rwanda, de 1990 à 1994.

Pierre-Edouard Deldique et Vanadis Feuille, respectivement journaliste mais pas au service Afrique et documentaliste à RFI, viennent de remettre leur travail qui conclut au caractère absolument «infondé» des critiques de Pierre Péan. Pour ce faire, les deux «auditeurs» ont écouté les 800 journaux Afrique répertoriés dans la base de données de la sonothèque couvrant la période du 2 octobre 1990 au 18 juillet 1994.

Ils en ont tiré un document de 716 pages comportant les références et le contenu de ces journaux, ainsi qu'un rapport de synthèse où ils répondent aux accusations visant RFI et les quatre journalistes incriminés. Il y apparaît ainsi que «les accusations de Pierre Péan sont, le plus souvent, portées de manière partiale et parfois légère» . De toute façon, la principale des accusations de Péan visant quatre journalistes de RFI reposait sur la révélation de l'origine tutsie de deux d'entre eux. Le livre de Péan est d'ailleurs poursuivi par SOS Racisme. On imagine les protestations qu'il aurait soulevées s'il s'était attaqué aux origines juives ou arabes de certains journalistes traitant du conflit israélo-palestinien. Sans compter qu'une troisième journaliste mise en cause n'a pas travaillé sur le Rwanda à l'époque du génocide... mais dix ans plus tard.

Fugacité. Pendant leur travail, Deldique et Feuille n'ont pas voulu rencontrer des journalistes de la rédaction, pour s'en tenir aux faits et à ce qui a été diffusé à l'antenne. Une attitude qui a pu susciter au départ quelques inquiétudes tant la radio est le média de la fugacité. Tout a été répertorié : les rediffusions, les coupes effectuées dans un sujet d'une diffusion à l'autre, etc. Tout au plus, les auteurs du rapport notent-ils une différence entre un lancement d'un reportage, qui parle de «troubles» et le reportage lui-même où il est question de «pogroms». Mais il est impossible de déceler une quelconque ligne politique dans un sens ou dans un autre. Dans la liste des intervenants, publiée en annexe, il apparaît ainsi que les organisations internationales et ONG, présentes sur le terrain, sont les plus nombreuses à l'antenne, loin devant le gouvernement rwandais ou le FPR.

Antoine Schwartz, le PDG de RFI, se dit «très satisfait» du rapport : «L'important, au-delà des cas soulevés par Péan, c'est la démonstration que RFI fait un travail honnête.» Il n'est cependant pas question de porter plainte en diffamation contre Péan, le délai étant largement dépassé et la façon dont ses accusations sont rédigées rendant l'issue d'un procès incertaine. Par le passé, RFI n'a pas seulement été attaquée par Péan : d'autres ont reproché à certains de ses journalistes d'avoir été trop favorables au gouvernement rwandais et à la France.

«On a tendance à confondre la position des journalistes et l'endroit où ils se trouvent, rétorque Schwartz. Prenez la guerre de cet été entre Israël et le Hezbollah ! Un journaliste ne dira pas la même chose selon qu'il est au Liban ou en Israël. C'était pareil pour le Rwanda.» Un argument qui laisse certains journalistes dubitatifs : «J'aimerais comprendre ce que cette étude mesure exactement, s'interroge une journaliste. La philosophie de tout ça, c'est un peu, comme dirait Godard : cinq minutes pour Hitler, cinq minutes pour les Juifs.» Au-delà du cas Péan, la démarche, qui n'a pas d'équivalent, offre un passionnant outil de travail pour qui s'intéresse à l'histoire récente du Rwanda et aussi à la fabrication de l'information radiophonique.

(1) Fayard/Mille et Une Nuits, 2005. (2) «RFI, voix de la France ou voix de Kagame», pp. 348 et suivantes.

Libération - Il y a 5 heuresIl ya un an, Pierre Péan déclenchait un tollé à Radio France Internationale (RFI), aujourd'hui la station lui répond. Dans ...

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