Epreuve democratique en RD-Congo
26-10-2006
Des sympathisantes du président sortant Joseph Kabila, lors d'un meeting électoral, mercredi 25 octobre (photo Cendon/AFP).
Des sympathisantes du président sortant Joseph Kabila, lors d'un meeting électoral, mercredi 25 octobre (photo Cendon/AFP).
Le second tour de la présidentielle aura lieu dimanche 29 octobre. La tension reste forte entre les partisans de Joseph Kabila et de Jean-Pierre Bemba. Mais le succès de ces élections serait un exemple pour toute la région
La patte-d’oie de « Ma Campagne-station », quartier populaire de l’ouest de Kinshasa, est un lieu de passage stratégique. C’est bien pourquoi les partisans des deux candidats au second tour de la présidentielle congolaise de ce dimanche s’y font face en cette fin d’après-midi.
D’un côté de la rue, une poignée de partisans du président sortant Joseph Kabila, qui a recueilli 44,8 % des voix lors du premier tour. Portant l’effigie de leur favori sur leurs tee-shirts, ils s’époumonent dans un mégaphone. À quelques mètres, de l’autre côté de la route, les partisans de Jean-Pierre Bemba, arrivé deuxième au scrutin du 30 juillet, maisarchi-favori dans la capitale.
Drapeau bleu et jaune du Mouvement de libération du Congo (MLC) flottant au vent, les militants équipés du même matériel que leurs rivaux crient les mérites de leur leader, vice-président pendant la transition après avoir été pendant la dernière guerre (1998-2003) le chef d’une rébellion de funeste mémoire.
Ce genre de face-à-face donne parfois lieu à des accrochages, mais ce n’est pas le cas ici. On s’ignore royalement, en se contentant de brandir des arguments qui n’ont pas grand-chose à voir avec un programme de gouvernement, d’ailleurs inexistant dans une coalition comme dans l’autre. Dans le camp de Kabila, c’est l’« homme de paix » que l’on met en avant.
«France, Belgique et États-Unis à la base de notre malheur»
« Il a mis fin aux guerres » qui ont entraîné la mort de plusieurs millions de Congolais, assure Alain, employé de la mairie de Kinshasa, qui fait campagne, plus ou moins volontairement, sur ses heures de travail. Bemba, crédité de 20 % des voix au premier tour, fut et demeure « un rebelle ».
Dans le camp Bemba, on souligne le statut de vrai « fils du pays » du leader, par opposition à Kabila, qui n’est « pas congolais » à en croire la rumeur niant sa filiation avec le tombeur de Mobutu, Laurent Désiré Kabila, auquel il succéda en 2001 après son assassinat.
« Notre pays a perdu son rang à cause de la France, de la Belgique et des États-Unis, qui sont à la base de notre malheur », s’insurge Joseph, enseignant. « Les Occidentaux veulent imposer quelqu’un que lapopulation ne veut pas, ajoute Richard-Nixon, chauffeur de 37 ans. Si Jean-Pierre perd, c’est qu’il y aura eu tricherie. »
Surfant sur ce registre, le riche homme d’affaires a averti mardi que le futur président devra « représenter effectivement les aspirations profondes » des Congolais. Jean-Pierre Bemba s’exprimait à l’occasion de la signature d’une «convention de partenariat» avec Oscar Kashala, arrivé en cinquième position au premier tour de la présidentielle.
Ce fut l’une de ses rares apparitions publiques dans le cadre d’une campagne marquée au second tour par l’absence des deux candidats. Ni l’un ni l’autre n’a mené de meeting – un meeting de Bemba initialement prévu à Kinshasa semblait compromis – ni accordé d’interview. Le débat d’entre-deux tours, prévu par la loi électorale, a été annulé mercredi, à la veille de sa date programmée.
Une étincelle pouvait suffire à envenimer la situation
Les raisons avancées pour justifier ce mutisme des candidats – insécurité, manque de moyen de transport pour faire campagne – sont peu convaincantes. «Nous privilégions surtout la campagne de proximité par les députés élus en juillet, qui disposent d’un capital de confiance dans leurs fiefs électoraux», explique Kudura Kasongo, porte-parole de Joseph Kabila.
N’est-ce pas plutôt le signe que chacun des deux candidats considère que l’élection ne se jouera pas dans les urnes ? Certains observateurs le craignent, d’autant plus que les candidats possèdent chacun une garde prétorienne importante : 14 000 gardes républicains pour Kabila, dont 5 000 à 6 000 stationnés à Kinshasa, tandis que Bemba reconnaît disposer de 600 hommes, mais « en a plus », selon un diplomateétranger.
Ces craintes ont été renforcées par la livraison, en juillet, de 42 chars et véhicules blindés ainsi que de plusieurs tonnes de munitions, l’ensemble apparemment destiné à la garde républicaine. Des équipements acquis au mépris des règles édictées par l’ONU et de la décence à l’égard d’une armée dénuée d’équipements aussi basiques que l’uniforme ou les chaussures.
En outre, les trois jours d’affrontements entre soldats des deux camps, en août dans le centre de Kinshasa, ont montré qu’une étincelle pouvait suffire à envenimer une situation déjà tendue. Enfin, différentes sources dignes de foi font état de contacts entre des émissaires de Jean-Pierre Bemba et le général dissident Laurent Nkunda, qui contrôle une partie du Nord-Kivu (est) à la tête d’une rébellion prorwandaise. « Il y a du méchant dans la tête des gens »
Faute des leaders eux-mêmes, ce sont des personnalités plus secondaires qui ont battu la campagne, notamment, dans le camp de l’Alliance de la majorité présidentielle, Olive Lembe Kabila et Muhanya Sifa, respectivement épouse et mère de Joseph Kabila. Dans un camp comme dans l’autre, la chaleur de l’accueil reçu est souvent proportionnelle aux « dons » aux populations – bus pour les étudiants, générateur électrique pour l’hôpital, tee-shirts et casquettes.
Elle dépend aussi des personnalités en visite, certaines, à l’image du pasteur Théodore Ngoy, directeur adjoint de la campagne de Jean-Pierre Bemba, ou Gabriel Kyungu, ancien gouverneur du Katanga, fief des Kabila, tenant un discours ultranationaliste et xénophobe envers les « non-natifs » de telle ou telle province. Jour après jour,des incidents très localisés mais violents ont ainsi émaillé la campagne, faisant souvent des blessés.
Omniprésente à Kinshasa, notamment à travers la Mission de l’ONU en RDC (Monuc), la « communauté internationale », qui se limite souvent au quartette France, Belgique, Grande-Bretagne, États-Unis, réfléchit aux scénarios plausibles pour les semaines à venir. Elle s’interroge aussi sur son attitude passée : interrogé par La Croix, un diplomate européen reconnaît que le soutien à Joseph Kabila a sans doute été « trop ostensible », au point de lui nuire sur la scène nationale.
Sa majorité assez large à l’Assemblée nationale, ajoutée au ralliement des candidats arrivés deuxième et troisième – Antoine Gizenga, 80 ans, annoncé comme possible premier ministre, et Nzanga Mobutu, fils du défunt dictateur zaïrois – rendent sa victoire probable. Mais, comme le note Marien, chauffeur de taxi kinois, « il y a duméchant dans la tête des gens », et c’est la réaction du perdant, quel qu’il soit, qui pose problème.
Laurent d'ERSU, à Kinshasa
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Les évêques rappellent les candidats à leur devoir
Dans un message de six pages publié au début du mois d’octobre, la Conférence épiscopale du Congo a exposé sa vision de ce que devrait être ce second tour de la présidentielle, adressant ses « recommandations » aux protagonistes tout en rappelant sa neutralité. Elle a invité les Congolais à aller voter « massivement » et à ne pas céder à la violence. Rappelant à la communauté internationale que « le Congo n’est pas sous tutelle », les évêques dénoncent le « silence » sur le pillage des ressources du pays. Quant aux acteurs politiques, ils « s’inclineront devant le verdict des urnes et éviteront les contestations », demandent les évêques.
26-10-2006
La RDC en chiffres et mode d'emploi des élections
La RDC en chiffres et mode d'emploi des élections
La République démocratique du Congo en chiffres
D’une superficie de 2,345 millions de km2, le pays compte environ 60 millions d’habitants. Ses ressources sont l’agriculture, le pétrole et un énorme potentiel minier (cuivre, cobalt, uranium, or, diamants). La RDC a connu une récession sans précédent depuis le début de la guerre, en août 1998. En 2006, le budget de l’État est financé à 57 % par l’aide extérieure. Plus de 75 % des Congolais vivent encore avec moins de un dollar par jour.
Les deux candidats
- Joseph Kabila : le plus jeune chef d’État africain (35 ans) est né à Lulenge (Sud-Kivu), fief du maquis dirigé par son père Laurent-Désiré, rebelle au maréchal Mobutu. L’assassinat de son père le 16 janvier 2001 le propulse à la tête de l’État. Il signe en 2002 des accords de paix avec le Rwanda et l’Ouganda, soutiens des deux principales rébellions. Depuis l’Accord global signé le 17 décembre 2002 à Pretoria, il gère la transition avec les ennemis d’hier, dont l’ex-rebelle Bemba.
- Jean-Pierre Bemba : né le 4 novembre 1962 à Bogada, dans la région de l’Équateur (nord-ouest), il est le fils d’un richissime homme d’affaires proche du dictateur Mobutu. Après l’arrivé au pouvoir de Laurent-Désiré Kabila, il organise un mouvement de rébellion, le Mouvement de libération du Congo. Sa réputation est entachée de violations graves des droits de l’homme.
Les forces de sécurité mises en place
La sécurité du scrutin auquel sont appelés 25 millions d’électeurs (sur 58 millions d’habitants) est assurée par le déploiement de 17 600 casques bleus et 1 400 soldats européens (Eufor). La mobilisation de 80 000 policiers congolais est prévue pour le jour de l’élection. La régularité du scrutin sera visée par 30 000 observateurs nationaux et 1 100 internationaux, ainsi que plus de 100 000 témoins des partis politiques.
Les résultats des législatives
L’Assemblée nationale, élue le 30 juillet dernier, est dominée par l’Alliance de la majorité présidentielle de Kabila (42 % des 500 sièges), suivie du Regroupement des nationalistes congolais (Renaco) qui soutient Bemba (100 sièges).
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