ibihwihwiswa

Sunday, October 29, 2006

Les pharaons made in China envahissent le Caire


Deux figurines fabriquées en Chine vendues dans un magasin de souvenirs du Caire, le 17 octobre 2006

LE CAIRE (AFP) - 28/10/2006 09h50 - Ils ont tous les attributs royaux de l'Egypte antique: la crosse, la barbe postiche et le regard souligné au khôl. Mais leurs yeux bridés trahissent les origines des pharaons chinois qui ont envahi le Caire.

Figurines, tasses, aimants pour le frigidaire, décapsuleurs... Les souvenirs qui font le bonheur des touristes dans le bazar de Khan Khalili, dans le vieux Caire, proviennent désormais principalement de Chine et non plus des ateliers locaux de production artisanale.

"Depuis deux ou trois ans, le marché croule sous les importations chinoises", explique Adel Meghawri, qui tient une boutique depuis 22 ans dans le dédale étroit du bazar.

Face aux prix imbattables pratiqués par les Chinois, les commerçants abandonnent peu à peu les produits égyptiens.

"Le prix d'un verre en porcelaine peinte chinois s'élève à 10 livres (1,7 USD). Le même fabriqué ici se vend 30 livres (5,2 USD)", note M. Meghawri.

Le différence de prix peut même être considérable: une pyramide locale en cristal coûte 135 livres, sa copie chinoise ne coûtant que 20 livres.

"Non seulement les Chinois ont tout copié, mais ils ont également innové et nous sommes incapables de suivre, par manque de technologie et de main-d'oeuvre bon marché", se lamente Sameh Abdel Nabi, commerçant à Khan Khalili depuis 13 ans, en exhibant des stylos à tête de pharaon et des porte-clés.

Si Toutankhamon, Néfertiti, le scarabée sacré et tous les symboles mythiques de l'Egypte, estampillés "Fabriqué en Chine", se vendent comme des bonbons aux touristes de passage, leur origine n'échappe cependant pas à l'oeil exercé.

"Le secret réside dans les traits. Regardez cette Néfertiti aux yeux légèrement bridés", note Mohammad Moustapha, en montrant un buste de la reine légendaire.

"Il faut toujours vérifier l'oeil, renchérit M. Méghawri. Le nôtre est plus grand et plus arrondi".
Malgré ce léger défaut anatomique, les productions chinoises ont remplacé les bibelots égyptiens sur les étagères du souk, poussant de nombreux ateliers de fabrication artisanale à mettre la clef sous la porte.

"Il ne reste plus aux Egyptiens qu'une chasse gardée: le papyrus et le bois incrusté de coquillage. Mais nous craignons que ce ne soit juste une question de temps avant que les Chinois ne les copient aussi", affirme Hussein Ahmad, un commerçant.

Les artisans ne semblent pas au bout de leur peine, puisque le gouvernement égyptien cherche à développer les relations avec la Chine.

Depuis la visite du Premier ministre chinois Wen Jiabao au Caire en juin, les responsables égyptiens ont défilé à Pékin avant le voyage officiel du président Hosni Moubarak en Chine en novembre. Cette effervescence diplomatique s'est accompagnée de la signature de nombreux accords.
De l'aveu même du ministre du Commerce et de l'Industrie, Rachid Mohammad Rachid, son pays cherche à établir "une relation spéciale" avec la Chine, en lui proposant notamment d'investir dans des zones franches en Egypte.

Selon l'ambassadeur de Chine au Caire, Wu Sike, cité par la presse locale, il y a actuellement 200 projets chinois en Egypte d'une valeur de 230 millions USD. Les échanges bilatéraux ont, eux, explosé, pour passer de moins d'un milliard USD en 2002 à 2,2 mds USD en 2005, la balance penchant fortement en faveur du géant chinois.

Alors que le débat sur le bien-fondé de cette ouverture totale à la Chine a pris de l'ampleur dans la presse égyptienne, le directeur du Forum de la recherche économique (ERF), Samir Radwan, estime que les petits artisans qui se plaignent du renforcement des liens égypto-chinois devront se mettre à niveau pour affronter la concurrence ou simplement fermer boutique.

"C'est ça, la mondialisation. L'Egypte est membre de l'Organisation mondiale du commerce et ne peut avoir recours au protectionnisme", a-t-il dit à l'AFP.

A Khan Khalili, les touristes continuent d'acheter des souvenirs, sans se soucier trop de leur origine.

"Ironiquement, conclut M. Moustapha, nos clients les plus fervents sont les Chinois".

0 Comments:

Post a Comment

<< Home